IL ÉTAIT UNE FOIS.......
· « Pourquoi est-ce qu’on arrive pas à trouver le garçon qu’on aime ? est-ce qu’on peut changer les choses ?
· Quand est-ce qu’on est une femme ?
· A quel moment on peut faire l’amour ?
· Et le SIDA, comment peut-on peut se protéger, comment savoir si on l’a, comment ça se transmet, est-ce que je peux me soigner du SIDA, est-ce que je peux guérir ?
· Qu’est-ce que ça fait la première fois qu’on embrasse un garçon sur la bouche ?
· Pourquoi les garçons aiment les filles ?
· Quand je vois un joli garçon dans la rue qui me dit bonjour, je lui dis bonjour. Je suis très gentille avec eux.
· Et puis il y a le profitage, avoir des aventures amoureuses, être infidèle il a pas le droit. Il y en a qui cherche la beauté, d’autre l’intérieur.
· Pas d’accord pour tromper. Faut tout le temps garder une fille, toujours, toujours. Faut pas lâcher.
· Quand les hommes vont vers les filles, ils sont pas obligés de faire l’amour. On peut coucher ou on peut faire l’amour.
· Comment ça se passe si on est pas d’accord pour faire l’amour ? Si la femme est pas d’accord et se bloque, comment on fait ?
· Si l’homme est marié et trouve une autre femme, il tombe amoureux, c’est être infidèle ?
· Toutes les filles belles sont pas obligées d’être prises. Les moins belles sont moins prises, est-ce que c’est vrai ?
· Jalousie.
· Ça veut dire quoi infidèle ?
· Détournement de mineur.
· Est-ce qu’on est obligé d’aimer tout le monde ?
· Est-ce qu’on peut faire l’amour avec tous les garçons ?
· Et avec les gens différents, par exemple les handicapés ?
· Avec notre père, notre mère, avec les frères et soeurs c’est interdit, avec les cousins.
· Je fais jamais ça.
· Ça doit être interdit par la loi je pense.
· Il y en a qui se marient entre cousins. Normalement ça fait partie de la famille les cousins.
· Chacun fait leur choix mais il y a des gens qui font entre femmes. Ça existe mais ça se fait pas.
· Ça n’existe pas.
· Faut pas faire ça, j’ai raison. J’ai déjà vu des filles c’est bien et c’est pas bien.
· On peut mourir d’amour ?être très amoureux, et quand la personne lâche, en mourir ?
· Le chagrin d’amour.
· Le suicide. Le chagrin peut mettre à l’alcool et faire devenir violent.
· C’est rare les femmes qui violent les hommes.
· Si l’enfant est trop jeune, ça risque de le choquer, il risque d’avoir des traumatismes.
· On a pas le droit !
· Garçon et garçon, ça s’attire. Fille et fille ça s’attire aussi non ?
· Il y a plus d’hommes que de femmes sur terre ?
· Je vois partout des filles, des jeunes, on m’a dit faut pas fixer comme ça.
· C’est pas normal que les garçons embrassent les filles devant les petits, parce qu’ils voient et ils font.
· Un homme séduisant : musclé, fort, très mignon, des beaux yeux, un beau look, un beau cul, poitrine velue, galant.
· Quand je suis née pourquoi m’a mère m’a mise dans un hôpital et n’a pas essayé de me rechercher ?
· Le garçon se dit pourquoi il a un zizi, et pourquoi pas moi ?
· Quand on a un rapport sexuel, comment se forme le bébé et comment il sort ?
· Comment une femme peut élever un enfant toute seule ?
· Est-ce que quand on se sépare on peut revenir ensemble ?
· Il y a des hommes qui s’habillent en femme
· Ça pose pas de problème que l’homme soit plus âgé ?
· l’âge ne compte pas, ce qui compte c’est l’amour ! «
Et c’est suite à tout cela que tout a commencé.
LA SEXUALITÉ DE LA PERSONNE HANDICAPÉE : un monde de phantasmes.
Pourtant les recherches sur le sujet tendent à montrer que la sexualité des personnes handicapées mentales est très proche de la notre.
Elle se développe dès la petite enfance, dans le contexte familial, à partir de modèles parentaux.
Elle s’inscrit dans un contexte affectif et relationnel.
La personne handicapée mentale est susceptible de ressentir une attirance, une répulsion, elle peut développer des amitiés, ainsi que des relations amoureuses.
Elle est capable d’attachement, de fidélité. Elle désire généralement mener des relations affectives. En fonction de son histoire, de ses expériences, elle développe une identité féminine ou masculine.
Comme toute autre personne, elle est marquée par les découvertes et les souffrances qu’elle vit au cours du temps.
Bien évidemment, les limites intellectuelles font qu’elle peut ne pas comprendre certains événements, certaines situations, certaines sensations et manquer d’informations.
L’accompagnement éducatif en matière d’éducation à la sexualité lui est donc bien indispensable.
L’opinion générale tend à affirmer que ce sont des personnes très affectueuses, très tendres, et il est vrai que la personne handicapée mentale a une grande capacité à aimer.
Mais leur donne t-on pour autant le choix et les possibilités de développer et de gérer les relations affectives de leur choix ?
Pas toujours. Or c’est sur cette potentialité de base que pourront se développer plus tard, éventuellement, des relations affectives plus étroites, des relations de couple.
Dans le domaine de la sexualité, toute société établit des codes de comportements admis ou non. Elle définit également les lieux et circonstances acceptés pour les comportements admis. Si la personne handicapée mentale n’a pas acquis ce code culturel, elle risque d’adopter des comportements déplacés, favorisant son rejet social.
Tout un travail éducatif doit donc se situer à ce niveau, pour lui permettre une réelle intégration.
La sexualité des personnes handicapées mentales est encore aujourd ‘hui perçue comme un problème, voire une menace. En conséquence on les considère soit comme de grands enfants asexués que l’on doit préserver des dangers du sexe, soit au contraire ils sont perçus comme de grands pervers hypersexualisés dont il faut se protéger.
Il est clair que les relations sexuelles ne sont « pas encouragées », tant par les familles que par les équipes éducatives.
Institutionnellement, tout le monde - les équipes éducatives- s’accorde à dire que bien entendu la personne handicapée mentale a une sexualité, mais le sujet demeure brûlant, et continue à mettre mal à l’aise, alors rien n’est véritablement dit, réfléchit, pesé et décidé.
Il est vrai que le sujet dérange et met chacun face à ses convictions.
Peut-on ? Doit-on leur permettre d’exprimer leurs sentiments ?,
de faire des choix? choix d’un partenaire, choix d’avoir un enfant, par exemple ?....
Les réponses sont difficiles à donner et avoisinent du « en notre âme et conscience « .
Pourtant bien entendu, des relations amoureuses se créent, des couples se forment.
Aborder le thème de la sexualité, de la vie affective des personnes déficientes mentales est loin d’être chose simple.
Confrontés à des questions touchant la formation de couples, la masturbation, l’homosexualité ou l’abus sexuel, nous avons cherché des réponses. Car la réalité quotidienne nous montrait, par le biais des comportements des personnes handicapées et des questions des éducateurs, que le problème était existant, concret, tangible, visible.
Mais pourquoi ce sujet était-il si peu abordé ? Pourquoi ces réponses toujours insatisfaisantes, faites dans l’urgence ou dans l’indifférence, pourquoi un tel interdit sur la question ?
Sans doute parce que le sujet reste méconnu et fortement tabou.
Les représentations sociales concernant le handicap mental, et à plus forte raison la sexualité de la personne handicapée mentale sont empreintes de non dit, d’ignorance, de peur et de distance. Ces sujets mettent mal à l’aise.
Souvent la personne déficiente mentale fait peur. On ne sait pas comment elle peut réagir, on ne sait pas non plus comment on doit se comporter vis à vis d’elle, on craint qu’elle soit dangereuse.
On peut dès lors mieux comprendre les résistances rencontrées de toutes part lorsqu’on se propose d’aborder la question de la sexualité des ces personnes.
En joignant ensemble deux tabous, on ne fait que les renforcer, et l’on crée des réactions de rejets ou pire de négation de la problématique.
Pourtant réfléchir à leur vie sexuelle et affective, c’est d’abord leur reconnaître cette dimension de leur vie. C’est ensuite tenter de les aider à trouver, dans ce domaine, un meilleur épanouissement, tout en respectant leur intimité et leur vie personnelle.
Répondre à ces questions a permis également de commencer à réfléchir à la vie sexuelle et affective des personnes handicapées mentales, à la manière dont ces personnes vivent cet aspect de leur vie, aux aspects positifs et aux besoins de soutien nécessaires.
Car à partir du moment ou l’on a établit qu’il est important pour la personne handicapée mentale de déterminer elle même - quand cela est possible - ses actions, de choisir ses relations, ou de développer un mode de vie conforme à ses aspirations, on doit accepter aussi, qu’elle puisse développer des relations affectives qui l’épanouissent et qu’elle puisse développer dans la mesure de ses possibilités, la dimension sexuelle de sa personnalité.
Mise en place d’un programme d éducation à la sexualité.
Éducation et non pas information, ce qui nous distingue des groupes de paroles proposées par exemple par des associations de type planning familial.
Car l'information relève essentiellement de la biologie et concerne la dimension essentiellement reproductive de la sexualité.
A notre sens, l’éveil à la sexualité doit se développer avec une éducation car la sexualité ne se limite pas à l'acte sexuel.
L'éducation dépassant l'anatomie, prend en compte des notions de psychologie, les aspects émotionnels, relationnels et moral de la sexualité. Elle traverse la complexité humaine au travers des âges et du temps.
Notre démarche est dite intégrative. Elle est sous tendue par une méthode qui ne cherche pas à exclure de la sexualité le facteur risque, mais qui fait du risque un risque actif auquel on s'attend, car il aura été réfléchi, parlé.
Un accompagnement du savoir, pour une mise en pratique ( savoir faire ) et pour un nouveau savoir-être.
Ainsi abordé dans son ensemble, mettre en parole la sexualité nous permet d'accompagner la réflexion des personnes que nous accueillons de façon collective mais également individuelle, et d'accompagner les projets de vie.
L'importance de posséder et de maîtriser un instrument nécessaire à l'émergeance de cette parole, comme soutien à la parole défaillante se révèle ici particulièrement indispensable.
C'est pourquoi nous avons opté pour un matériel pédagogique spécifique basé sur l'image.
- Des photos à thèmes qui illustrent les différents aspects de la vie sexuelle.
- Des cartes émotionnelles, qui permettent d'exprimer au plus près de la personne les émotions ressenties : joie, peur, amour, indifférence, dégoût, colère,tristesse.
- Un «alphabet «: il s'agit d'une sorte de langage des signes pour accompagner l'échange, la communication et la découverte.
Force de vie, dynamisme de rencontre, la sexualité cependant reste malheureusement encore aujourd'hui un univers qui gêne, qui trouble et qui fait peur. Elle constitue aussi une force qui a besoin d'être soutenu, d'ou l'importance de l'inscrire dans les projets éducatifs.
Et parce que accompagner et en parler c'est aussi protéger et prévenir.