Questionnaire

1-Comment en êtes vous venu à créer ce site et dans quel but?

La création de ce site fait suite à une expérience professionnelle concrète.
Sensibilisée à la problématique de la sexualité des personnes adultes porteuses d’un handicap mental, il m’a semblé important de prendre en compte cette dimension de la personne et de faire évoluer nos pratiques institutionnelles.
Je me donc formée en sexologie, ce qui m’a permis ensuite de pouvoir mettre en place des programmes d’éducation à la sexualité et de recevoir les personnes seules ou en couple dans des séances de conseil.
Pour tout un tas de raisons qui restent liées au fait que traiter le sujet de la sexualité est chose bien compliqué dans les institutions, je pratique à une moindre mesure - faute de moyens.
Pourtant la demande des personnes est bien là.
Il m’a semblé alors intéressant de poursuivre la discutions ailleurs, et en l’occurrence ici.
Et si cela est possible, bien que ce forum soit adressé en premier lieu à des personnes en situation de handicap, j’aimerais que la discussion se fasse de manière plus large, entre gens que l’on dit valides et personnes handicapées.
Cela me semble important si on veut arriver à changer les regards.
Et parlons en des regards.
Les personnes handicapées en ont souvent rencontré un qui lui ont signifié et leur ont fait prendre conscience de leur différence.
Insupportable regard parce que trop inquisiteur ou fuyant, souvent en défaut ou en excès, rarement à la bonne distance.
Un trop du regard qui renvoie à une fascination impudique, un pas assez de regard qui signe le rejet.
Ce regard des autres leur pèse même quand il n'est pas agressif, et leur confiance en elle en est souvent fortement ébranlée.
Alors dialoguons, même si ce n’est qu’à l’intérieur d’un forum, car cela peut nous permettre d’approcher nos différences et de faire des rencontres pleines de richesse.

2- Où travaillez-vous, dans quelle structure?

Je travaille dans un foyer d’hébergement pour travailleurs handicapés.

3- Quelle est votre profession exactement ?

Educatrice spécialisée.

4- En quoi cela consiste-t-il ?

Je suis éducatrice au sein du foyer d'hébergement pour adultes travailleurs handicapés.
Ma fonction auprès de ce public est une fonction d'accompagnement dans les relations de la vie ordinaire.
Cet accompagnement nécessite que je les guide, les oriente et les soutienne chaque fois que nécessaire.
Ma présence éducative s’impose sur les temps de levers, au petit déjeuner, puis au retour des travailleurs après leur journée de travail.
Le niveau d'autonomie des personnes n'est pas homogène, c'est pourquoi la prise en charge des soins d'hygiène que j'effectue chaque jour est individualisée.
Pour certains mon accompagnement est actif (je les douche, les rase), pour d'autres, il est plus léger, plus à distance, plus de l'ordre d'une aide ponctuelle.
Je suis garante pour chacun d'eux d'un bien-être qui passe par cet accompagnement, et une présence de tous les instants auprès d’eux.
Ma fonction éducative se décline sur quatre points principaux.
L’hygiène : En stimulant les personnes, j'aide au maintien des acquis et je favorise les apprentissages.
L’autonomie : En aidant à la réalisation de leurs potentialités intellectuelles, affectives et corporelles, je favorise leur épanouissement et je contribue à leur faire acquérir une autonomie maximale.
La socialisation : Je favorise autant que faire ce peut l'insertion des personnes dans le tissu social.
La protection : Je maintiens un cadre sécurisant dans lequel ils peuvent évoluer, et j’agis dans le sens de la protection de leurs intérêts.
A l’intérieur de ce cadre, je mets en place et anime divers temps d’activités pédagogiques qui sont des formes d’expression identifiables :
Un atelier d’écriture par exemple, en partenariat avec une association extérieure.
Des groupes de paroles et d’écoute sur la vie sexuelle et affective des personnes. Je reçois également les personnes en conseil individuel.
Je prends la responsabilité de la mise en place, du pilotage de ces activités, et de leur conduite. Je me charge de la recherche de partenaires, de l’évaluation de l’action, et procède aux réajustements des projets.
Mon action éducative va en direction de l’ensemble des personnes accueillies au foyer. Je reste au plus près de certaines d’entres elles dont je suis la référente.
En tant que référente, je suis leur interlocuteur privilégié tout au long de leur passage dans la structure : de la préparation de leur accueil jusqu'à l'accompagnement vers leur sortie définitive.
Pour rester au plus près de leurs besoins, j'utilise tous les temps d'hygiène, de repas ou d'activité comme autant d’ étayages à la discussion et à la réflexion.
5- Nombre de personnes en situation de handicap moteur /mental accueillis annuellement au sein de votre structure?
L’association compte 6 structures.
Le foyer ou je travaille se décline sur 3 services, et celui sur lequel j’interviens reçoit environ 30 personnes.

7- Quelle est la mission/rôle de cette structure ?

Apporter un soutien et un accompagnement médico éducatif en plus d’un service hôtelier

8- Quelles actions ont été mises en place au sein de cette structure afin d’aider ces personnes en situations d’handicap à épanouir leur sexualité refoulée (qu’elle soit refoulée par l’entourage social ou par la personne handicapée elle-même) ?

Sexualité « refoulée » me déplait. Ce n’est pas parce qu’il peut y avoir un interdit que les personnes ne vivent rien sur le plan sexuel….. pour ce qui est des personnes ayant un handicap mental bien sur. La problématique est bien sur tout autre avec un handicap physique.
-Une action de formation en sexologie- 2 éducateurs (dont moi).
-Ecriture d’une Charte.
- La Mise en place de programmes d’éducation à la sexualité et accueil en conseil des personnes qui en font la demande.

9- Que pensez vous des assistantes sexuelles, ce projet initié par Pro Infirmis Zurich, et du recours à la rémunération dans une aide à la sexualité ? Ne pensez-vous pas, comme certains le disent, que c’est dangereux car cela pourrait légaliser la prostitution ?

La question reste difficile, mais il faudra bien un jour qu’on arrive à trouver une réponse.
Il ne faut effectivement pas que l’on tombe dans des travers style prostitution légalisée.
Ceci étant, je pense qu’il est largement temps que l’on apporte enfin des réponses concrètes et réalistes à toutes les personnes qui sont dans une impossibilité physique réelle et souvent institutionnelles de pouvoir vivre une sexualité.
C’est très beau de dire nous avons tous droit à une vie intime et sexuelle, et après ?????
Quelles réponses apportons nous ?
Or des témoignages forts, dignes et émouvant et vous en trouverez certains sur ce forum. La non réponse met mal àl’aise.
Alors je pense qu’il est temps d’agir. La reconnaissance de la personne passe par la reconnaissance de son handicap certes, mais aussi par la reconnaissance de la dimension sexuelle de sa personne et des limites que son handicap impose.

10- Avez-vous des échos des réactions des familles à ce projet? Si oui, quelles sont-elles ?

Je n’ai pas d’écho, car le problème ne se pose pas dans ce sens avec les personnes que j’accompagne. Je peux seulement dire que les réactions des parents lorsque nous avons mis en place notre projet n’ont pas toujours été favorables. Certains ne leur donne pas réellement leur statut d’adulte, ils les voient donc encore comme de grands enfants asexués, ce n’est donc pas nécessaire.
Pour certains autres (mais ce sont souvent les parents âgés) parler de sexualité leur fait peur : on est pas loin de la prostitution. Il a fallu les rassurer.
Et puis heureusement il y a tous les autres parents, favorables à cette prise en compte.
Nous sommes loin du sujet des assistantes sexuelles, mais j’imagine que ce ne peut être simple pour les familles concernées.

11- Comment abordez-vous la sexualité avec vos « patients » ?
Sont-ils plus réticents à en parler que des personnes dites « valides » ?

J’aborde le sujet de la sexualité le plus ouvertement possible, dans un accueil chaleureux et permissif.
Ma pratique m’a montré qu’ils n’avaient jusque là que rarement pu parler de sexualité.
Dès le premier jour j’ai été surprise de l’étendue de leurs questions et de leur avidité de parler.
Pour beaucoup ils ont un vécu sexuel réel (souvent dans les internat), non compris.
Les aider à comprendre, mettre des mots, permet de lever les angoisses.
Un des bénéfices secondaires est faire reculer l’agressivité des personnes, et de leur permettre d’être plus ouvertes aux autres.
Ils sont toujours demandeurs, assidus, participatifs et dans l’attente de nos séances.

12- A quels problèmes avez-vous été confrontés au sein de votre structure liés à la sexualité ?

masturbation : qui met souvent les équipes mal à l’aise, homosexualité et surtout violences sexuelles : abus.

13- Comment, selon vous, les professionnels doivent-ils organiser la vie, l’information, et l’éducation sexuelle de leurs patients ?

Il est nécessaire de garder le dialogue ouvert et de toujours chercher des réponses.
La prise en compte de la sexualité doit donc être placée dans les projets institutionnels.
Essentiel aussi, est la formation du personnel afin que l’on puisse acquérir une attitude dénuée de préjugés et de jugement.
La formation permet en outre de trouver les outils pédagogiques adaptés.
Une fois formé, la mise en place de temps et de lieux d’écoute peut s’organiser.
Faute de mieux des actions d’informations de type intervention planning familial me semblent intéressantes, mais non suffisante.
C’est un accompagnement au long court qu’ils nous faut pouvoir proposer.

14- Accueillez-vous des couples au sein de votre structure ? Si oui, comment sont-ils traités ? Quels moyens sont mis en place afin de les aider à épanouir leur vie de couple ?

Nous n’avons pas encore eu l’occasion d’accueillir des couples déjà formés, en revanche des couples se forment aux seins des structures.
Dans la mesure ou ces personnes sont dans une capacité suffisante d’autonomie, nous accompagnons alors leur installation.
Ceci étant il ne s’est pas encore présenté le cas du couple qui demanderait à partager officiellement la même une chambre. Dommage !!! Je pense quand même qu’aujourd’hui la demande serait favorable.

15- Certains témoignages évoquent des changements notables dans le comportement des personnes handicapées qui ont des relations sexuelles. Vous confirmez ?

A quoi faites vous allusion ?